Dans la zone sylvo-pastorale sahélienne du Sénégal, où les arbres jouent un rôle prépondérant dans l’écosystème et pour les populations, des dépressions topographiques abritent une diversité spécifique d’arbres et d’arbustes plus élevée que les zones environnantes. Si la disponibilité en eau plus élevée explique en partie cette diversité, les autres facteurs qui l’influencent sont encore inconnus. Dans cette recherche, nous avons étudié l’influence de différents paramètres sur la composition botanique et la richesse spécifique de la végétation ligneuse des dépressions topographiques du Ferlo sableux. Nous avons cartographié ces dépressions dans une zone de 700 km² autour du forage de Widou Thiengoly. Dans 61 d’entre elles, présentant des superficies variées, nous avons inventorié les arbres, arbustes et buissons. Ensuite, nous avons étudié l’influence de métriques paysagères (proximité d’autres dépressions, des forages et des campements) et de caractéristiques intrinsèques de ces dépressions (surface, présence d’une marre temporaire) sur la richesse spécifique des peuplements ligneux dans les dépressions et leur composition en espèces.

Un des résultats principaux est que la superficie des dépressions est le facteur qui influence le plus la composition botanique et la richesse spécifique : plus la dépression est grande, plus le nombre d’espèces s’y développant est élevé. Cependant, certaines dépressions de petite taille présentent une richesse spécifique équivalente aux grandes, sans que l’on ne puisse identifier les facteurs responsables de ce phénomène dans le cadre de cette étude.  Un autre résultat concerne les espèces qui sont inféodées presque exclusivement aux dépressions dans cette zone du Ferlo. Ces espèces, qualifiées de « rares » (e.g. Vachellia seyal (Delile) P.J.H.Hurter, Ziziphus mauritiana Lam., Feretia apodanthera Delile), présentent des besoins en eau plus élevés que les espèces plus communes (Balanites aegyptiaca (L.) Delile, Vachellia tortilis (Forssk.) Galasso & Banfi). Ces dépressions offrent donc un micro-habitat particulier à ces espèces, qui deviennent plus communes vers le Sud, lors de la transition entre zone sahélienne et zone soudanienne, là où la pluviométrie est plus importante. Ces espèces contribuent largement à la richesse spécifique mesurée : en d’autres termes, quand une dépression présente une richesse élevée, c’est le résultat de la présence de ces espèces « rares » et spécifiques aux dépressions.

Dans un contexte de diminution de la diversité des peuplements ligneux dans la zone sahélienne ces dernières décennies, et compte tenu du rôle de ces dépressions dans le paysage en tant que hotspots de diversité et comme lieux de disponibilité en eau plus élevée, nos résultats apportent des éléments de réflexion quant à la gestion de ces écosystèmes sylvo-pastoraux. Des stratégies de gestion qui intégreraient ces éléments topographiques et qui seraient appliquées à une échelle paysage (telles qu’une protection de certaines de ces dépressions, accompagnée ou non de plantations et/ou enrichissement) seraient à promouvoir par rapport à des stratégies qui s’appliqueraient de manière indifférenciée à l’ensemble de la zone sylvo-pastorale.